Quand vous dépassez un cycliste, laissez-lui toujours la place pour tomber…
Plus léger que les cycles normaux, il présente l’avantage de ne pas rouler…
Votre voiture est un capital, ne le risquez pas sur la route…
... fit claquer silencieusement ses talons...
On craint qu’il ne survive…
Ces perles de la presse écrite parsèment La Réalité dépasse la fiction, un ouvrage des années cinquante (paru en 1955) préfacé par
André Roussin, un opus d'Aycard et Franck. Matériellement, mon exemplaire ressemble à un ersatz de livre, à une tentative rocambolesque pour donner l’impression qu’un livre persiste physiquement.
Il a une couverture en papier (d’une conception courante dans les années 1930, 1940 et 1950) et ses pages tiennent à peine ensemble. A 57 ans (en 2012) il menace carrément de s’effondrer.
Néanmoins, je ne m’en débarrasse pas, pour une raison somme toute extrêmement simple – ce livre est très drôle. Les illustrations ne répondent bien sûr aucunement – au milieu des années 1950… -
aux critères de séduction modernes puisqu’elles sont toutes, sans exception, en noir et blanc et parfois d’une qualité douteuse (contre-jour inopportun, éclat du soleil qui rend un panneau ardu à
lire etc.) mais enfin, avec les décennies écoulées, ce livre a pris une dimension que ses auteurs n’auraient en aucun cas pu imaginer, à l’époque. Représentons-nous 1953, 1954, 1955, le contexte
de ce temps-là. C’était (j’écris ces lignes en 2012) il y a bientôt soixante ans. La télévision ? Une nouveauté "ultra-moderne" (quel drôle d'adjectif celui-là; insurpassable, littéralement) aux
airs de bidule de SF. Internet n’existait pas. La France vivait l'instabilité ministérielle de la IVe République et Vincent Auriol allait bientôt céder sa place à l'Élysée à René Coty. A Genève
existait encore l''Ecole du Grütli. Aux Promotions en juin, à la fête des écoles, à Genève, on distribuait encore des prix aux bons élèves (j'ai moi-même été primé en 1976 et en 1978). (A
l'image; le dernier bey de Tunis, Lamine Bey, recevant Pierre Mendès-France en 1954; Pierre Mendès-France voit son nom estropié en Mendès-rance, tout à coup, dans l'une des coquilles recensées
dans le livre)
Ce que j’entends là, c’est que le temps écoulé depuis la sortie de presse de ce livre permet, à présent, de le lire (précautionneusement, qu’il ne s’abîme pas trop vite) comme si l’on tenait
entre les mains un témoignage sur la société des années cinquante. Un document accidentellement historique en somme. Je ne pense pas que les auteurs aient conçu ce bouquin comme quelque chose
susceptible de durer très longtemps, ils voulaient faire rire avec les bourdes des journaux, les cocasseries de la signalisation, les enseignes mal à propos, sur le pouce, sans prétention
documentaire. Alors que vu d’ici, du présent, ce livre contient à la fois de l’humour et une «photographie» d’une société qui a changé entre-temps. Ainsi, le lecteur apprendra qu’un effort est prévu pour le tourisme, les corbillards seront motorisés. Auparavant, ils étaient tirés par des chevaux. Et quand, texto, les immondices
vous souhait(aient) une bonne année 1952 (merci aux ordures, alors, et bonne année aux poubelles, merci de penser à nous...) le message s’agrémentait de deux employés transportant un seau vers
une charrette à cheval. Quelques illustrations montrent des autos Panhard, des autocars dont les courbes ne sont plus de mise, d’anciens panneaux routiers (33 TOURS, indique l’un d’eux à 33 kilomètres de la ville de Tours... c'est déjà de l'archéologie industrielle, mais il a existé des disques 33 tours, 45
tours et même autrefois 78 tours, avant l'ère du CD; ma tante m'a une fois fait écouter un 78 tours par minute) Et des vues de certaines petites villes ne feraient-elles pas songer au film de
Jacques Tati Jour de fête, tourné en partie au moins à Sainte-Sévère-sur-Indre
? En ce temps, la France s’étire de Dunkerque à Tamanrasset, et on apprend que près d’Oran, plusieurs hectares de blé ont brûlé: il s’agirait d’un
incendie, hasarde le journal, car on n’est jamais trop prudent. Des fois qu’il s’agirait d’autre chose d’encore inexpliqué…
Bien entendu, certaines coquilles ou perles reposaient alors sur des jeux de mots fondés sur des noms de personnes. On publiait systématiquement les noms et prénoms entiers des gens dans les
journaux. Ce qui ne se pratique plus. Je ne vais donc pas citer les noms, évidemment. Disons que l’incendie a été aperçu par un habitant de la rue de l’Enfer, sans donner son nom de famille. Donc
sans divulguer de véritable nom, c'est un peu comme si un Monsieur Lallemand était professeur d'italien, ou comme si un Lenoir habitait Collonges-la-Rouge, etc. Toute ressemblance avec un
Lallemand et un Lenoir réels serait purement fortuite, donc.
Dans ce bouquin, les petites annonces sont particulièrement cocasses. Et pourtant... Et pourtant, elles n'ont rien des petites annonces volontairement loufoques du journal satirique L'Os à Moelle de Pierre Dac auquel je dédie un article dans ce même blog ! Francis Blanche, lui, en 1938-1940, rédigeait intentionnellement des
annonces bizarres, comme "médium cherche courroie de transmission de pensée", alors que dans La Réalité dépasse la fiction, eh bien,
justement, c'est le réel qui dépasse en trombe l'automobile de la fiction dans une ligne droite... Des gens ont payé pour publier leur annonce, et cela a donné des choses étranges comme:
"Je possède trente millions. Que me proposez-vous ?"
"A vendre cultivateur 7 dents état neuf"
"Chambre à louer sur le derrière du boulanger qu'on peut couper en deux"
J'ai une affection particulière pour la demande de celui qui avoue d'emblée posséder trente millions. Anciens, certes, mais tout de même: il fallait oser...
Et tant d'autres. Les annonces en rapport avec le mariage et les rencontres confinent soit au sublime, soit au ridicule (il ne s'écoule que le temps d'un pas entre les deux, paraît-il) soit au
cri (du coeur) plus ou moins désespéré, comme lorsque quelqu'un essaie, par voie d'annonce, de retrouver la personne qui portait un seau et "a fait un sourire" en sortant d'un magasin en ville !
Certes, cet appel en forme de S.O.S. (oh, on ne dit plus S.O.S: en téléphonie, mais je le maintiens dans le langage courant) a dû représenter une espèce de bouteille à la mer pour la personne qui
l'a rédigé et apporté au journal en tremblant, mais il y a dans ce contenu - tenter de retrouver quelqu'un qui a souri en transportant un seau, repêcher via un média une rencontre de hasard
banale a priori - une foi, un idéal juste phénoménaux. Quand des policiers recueillent des témoignages lors d'une enquête de proximité, ça n'est sûrement jamais aussi coloré: là, on ne cherche
pas à identifier un suspect, mais à correspondre "en vue mariage". "Écrire au journal" parachève cette annonce extraordinaire dans le plein
sens de l'adjectif. Écrire au journal, sinon où ? Au Palais de l'Élysée ? Au Kremlin ?
Quel était le texte, déjà ? "Dame blonde qui, en la deuxième quinzaine d'août, accompagnée d'un monsieur et d'une dame et qui a fait un très grand sourire à monsieur sortant d'une quincaillerie
avec un seau sur le dos, est priée de se faire connaître à celui-ci pour affaires personnelles ou en vue mariage. Le monsieur en question a logé 2 ans à l'hôtel à Cernay. Il est très travailleur.
Écrire au journal" (17 août 1954)
Sinon, quelle perte immense ! Bien plus grave que celle d'un chat, cette disparition du minet étant annoncée, elle, assortie d'une hypothèse quant à l'itinéraire de fuite de la bête:
"PERDU... chat... peut-être parti autorail Reims... août"
Dans ce cas, un contrôleur SNCF a pu verbaliser un chat monté sans billet. On tient peut-être une piste. Des traces de pattounes sur les sièges... Sauf s'il s'agissait d'un chat de Boulgakov,
muni d'un peu d'argent dans sa patte, mais il y a un monde de différence entre Le Maître et Marguerite et la vie quotidienne près de Reims dans les années cinquante. Vive le chat d'août,
le chat aoûtien chahuteur parti visiter Reims - à moins qu'il n'ait bu du champagne en douce: auquel cas, quel chat-pitre à la démarche chat-loupée on aurait dans le département 51 !
L'histoire ne dit pas si le chat a été retrouvé. Tant de gens publient une annonce pour déclarer à la ronde qu'ils ont perdu leur chat, mais peu en republient une pour faire savoir qu'ils l'ont
retrouvé ! Ainsi va la vie. Les chats perdus émeuvent davantage que les minous que l'on retrouve... Si personne n'a cru entrevoir de gros minet, l'actualité du cinéma n'a pas pu esquiver Titi:
"Au programme, Mon Titi, une extraordinaire traversée du Pacifique en radeau". Le nom Kon-Tiki, exotique, a eu du mal à passer.
Aucun secteur n'est épargné: sport, politique, faits divers, fêtes locales dont celle-ci: C'est la foire des veaux et des porcs, venez
nombreux. Cochon qui s'en dédit. On apprend ailleurs que la presse soviétique est la comique, au lieu, selon toute
vraisemblance, de "laconique", parce qu'en 1953-1954, je ne prétends pas connaître la presse d'URSS d'alors, mais je ne crois pas que la Pravda versait aisément dans la gaudriole ni
n'incitait les prolétaires de tous pays à se gondoler de rire à l'usine. Quand on voit Malenkov en photo, il n'a pas l'air d'un rigolo. Ce sera un tantinet différent avec Nikita Serguéïévitch
Khrouchtchev, lui qui a eu l'air d'un clown chauve en tapant de sa chaussure à l'ONU. Que voulait-il dire au juste ? On l'a oublié.
Je passe rapidement sur des "accidents mortels, sans victimes heureusement", sur des automobiles grièvement blessées et sur la froide et implacable consigne "Lorsque les cadavres sont carbonisés,
le rôle des sauveteurs est terminé": les champions de l'humour noir involontaire sévissent de temps à autre. En voilà des gens "qui ne naviguent entre les
mots qu'à la gaffe", comme le décrit si joliment l'ouvrage. Alors tant pis si "après l'autopsie du corps de... on reste un peu sur sa faim" ! Les cannibales changeront de
charcuterie, du coup. Ils perfectionneront leur français: "Vous ne ferez plus de fautes d'ORTOGRAPHE en suivant nos cours par
correspondance", clamait une annonce vraiment hors normes. Même si c'est moins grave que "6 morts... le magique bilan de la tempête sur les Alpes" (p.193). Le public est prévenu:
"Prière de ne plus adresser aucune lettre à la confidence Pour certains la vie est belle, son auteur étant décédé". Oups, nous
arrivons trop tard. Mille excuses, brigadier. Il faut de tout pour édifier un monde. Y compris des transformations réduites au minimum: "L'Industrie de la Transformation des Fruits doit tendre à
les transformer le moins possible", titrait le Méridional du 4 février 1954. Du "vert" avant l'heure ? Le Vert n'est pas forcément dans le fruit, pourtant. Les sauveteurs
étant exemptés d'assistance aux carbonisés, l'autopsie d'un autre corps, intact celui-là, ayant été impuissante à rassasier les carabins, la magie des victimes de la tempête finit tôt ou tard par
s'estomper. Et les illusions par s'effilocher: "La femme coupée en morceaux menait une vie double", apprenait-on le 29 mai 1954. Consternation générale. D'autant que "le mystère de la femme coupée en morceaux reste entier", ce qui n'arrange pas les enquêteurs mais donne du grain à moudre aux chroniqueurs locaux de la
presse provinciale qui ont besoin que leur canard vende du fait divers pour s'en sortir financièrement.
Inutile de fuir. L'Amérique n'échappe pas aux coquilles: "San Salvador, ville sans visage, a constamment le sourire aux lèvres". Lewis Carroll l'avait compris, lui. Le chat du Cheshire a beau
s'être éclipsé, son sourire traîne encore sur l'arbre. Peut-être le chat du Cheshire provenait-il de la République d'El Salvador, si c'est bien de cette ville qu'il s'agit et non de Salvador de
Bahía au Brésil. Oh Alice, si tu savais...
En 1957, dans son sketch "Le sâr Rabindranath Duval", Francis Blanche demandait à Pierre Dac: "Qu'est-ce que vous entendez par là ?" - "Par là, j'entends pas grand-chose", répondait Pierre Dac.
C'était au moins euphémique, au rebours d'Ouest-France qui un jour annonça "La révision des beaux postérieurs au 1er janvier 1949"
dans son numéro en date du 27 juillet 1950. Avec effet rétroactif ? Avec des arriérés à payer ?
A cette haute époque, des histoires d'OVNIS circulent déjà - elles apparaissent après 1945, peut-être à cause soit d'expérimentations militaires d'aéronefs ronds, y compris dans le Reich
finissant, soit en tant que symptômes d'une certaine angoisse née d'Hiroshima et de la Guerre de Corée. Je ne prévois pas ici de retracer le pourquoi de l'irruption dans le public de récits
d'OVNIS (objets volants non identifiés) mais enfin, les OVNIS débarquent quand la foi recule, en gros. Moins on va à l'église, plus on voit de Martiens. On apprend donc que des riverains "encore muets d'épouvante" ont raconté avoir assisté à l'atterrissage d'un mystérieux engin dans la plaine du Forez ! Pauvres Ligériens !
Devoir raconter à la presse avoir vu un OVNI tout en demeurant muet d'épouvante, l'exercice peut comporter des difficultés et se révéler frustrant si on ne maîtrise pas la langue des signes...
Heureusement, les Martiens n'ont, eux, posé aucune question en leur mystérieux jargon extra-terrestre (Roger Leloup n'a pas publié de grammaire du vinéen, d'ailleurs). Ailleurs dans l'ouvrage,
des témoins ont aperçu un Martien "et son engin en forme de toupie". Oh, shocking, n'est-il pas ?
J'adore une pub pour un livre dédié aux exploits de Don Juan: il est mentionné, après "Don Juan", entre parenthèses, "épuisé". C'est vrai que le job de Don Giovanni doit être exténuant.
Restent les arts de la scène pour se consoler de ne pas être le Don Giovanni perfetto à chaque coup:
"Louis XIV sera Sacha Guitry" dans le prochain film... Une occasion à ne pas laisser filer. Ce n'est pas tous les jours que le Roi-Soleil
tourne et joue le rôle de Sacha Guitry ! Quant à la marquise de Montespan, elle était incarnée à l'écran par Claudette Colbert.
Et je suis heureux de ne pas avoir commis la bourde éléphantesque, l'erreur de typo qu'il ne fallait pas faire dans un journal à propos d'une pièce de théâtre. Au lieu d'annoncer en page locale
les "trois derniers jours" d'une pièce, le canard, desservi par les typographes qui n'ont rien vu et ont laissé passer cette coquille titanesque, on a imprimé par erreur (enfin, j'espère que
c'était par erreur.... faut-il y voir malice ?) "trois derniers fours" ! Authentique ! Qui irait inventer ça après tout ? Ils ont dû aimer,
les acteurs du spectacle: que le canard du coin(coin) annonce leurs prochains "fours", ça a dû leur rester en travers du trou du souffleur. A ma connaissance, c'est la pire coquille de l'histoire
de la presse locale francophone (sauf si je trouve plus catastrophique un jour). Plus récemment, je me souviens des usagés de la poste, par
exemple. Le chroniqueur théâtral du canard en question, après l'épouvantable coquille des "fours", a dû avoir du mal à retourner au spectacle pendant quelque temps...
L'actualité inspire également: voici venir un film sur "les dessous brûlants de la guerre froide". Et Les Amours finissent à l'aube
("en cas de beau temps", précise le journal).
Dans un registre différent, La Môme du malheur promet "une cascade de rires" ! Le malheur des uns déclenche l'hilarité des autres, dirait-on... en tout cas au cinoche. A voir absolument,
à l'instar d'un film sur Les Dangers de l'amour qui, "malgré l'audace du sujet, doit être vu par tous": interdit aux moins de 16 ans, précise
le journal. Ce qui compromet l'objectif initial de montrer le film à tout le monde, du même coup. Certains films se retrouvèrent à l'Index, d'ailleurs, en cette décennie ou "bébé" prend un
deuxième sens, autre que celui d'enfant très jeune, quand on l'écrit en majuscules, B.B. Et Dieu créa la femme...
Sur les planches, une comédienne, à en croire la rubrique culture, devait jouer le rôle de Célimène dans Le Cid. Une mise en scène à ne pas rater ! Célimène, qui l'eût cru ?
Exutoire connu, le sport draine bien du monde. Au point qu'à l'occasion de la venue du champion cycliste Louison Bobet, l'évêque du diocèse a eu la bonté d'accorder une dispense spéciale en
raison de cette visite de "star" qui avait lieu un vendredi. L'abstinence du vendredi était à l'époque de mise chaque vendredi, et pas uniquement pendan tle Carême (c'était une décennie avant le
concile Vatican II).
"Apo Lazaridès nous étonnerait demain sur les pentes du col de la Faucille que nous ne serions pas étonnés", claironnait le chroniqueur sports du moment. Même si seuls les experts en mémoire du
Tour connaissent encore Lazaridès, qu'importe, l'enthousiasme, les dieux du stade poussèrent le journaliste à estimer qu'il n'y aurait rien de surprenant à être surpris par les exploits cyclistes
de ce héros du vélo. Ce genre de sport possédait encore une aura épique, bien avant que les épreuves comme le Tour de France se transforment en un sprint au finish entre le sport et
l'anti-dopage. Comme le dira Coluche dans les années 1970-1980, "s'ils n'étaient pas dopés, on aurait l'air malin devant notre TV à attendre qu'ils battent des records". Mais dans les
années cinquante, c'est autre chose: je profite de mentionner Hugo Koblet et Ferdy Kübler, deux vainqueurs suisses du Tour de France.
En football, "le jeu de tête de Kocsis" aura marqué le onze Céleste de l'Uruguay. C'est l'époque de la Hongrie du foot, de Kocsis, Puskas,
les deux Ferenc, etc. Le jeu de tête de Kocsis suit de peu la révision des beaux postérieurs, mais cela ne suffira pas à Berne en 1954: en finale de la Coupe du Monde, le miracle de Berne (Wunder von Bern) permet à l'Allemagne de l'Ouest, menée, de renverser la tendance et de battre la Hongrie 3 à 2. L'Allemagne
obtient ainsi le titre mondial 1954 (en attendant 1974 et 1990). "Cinglé dans son blazer, le bouillant avant-centre... n'était pas à prendre avec des pincettes" après la défaite de son
équipe face "aux techniciens magyars" lors d'une confrontation antérieure qui, elle, avait vu gagner les Pannoniens. Le ballon rond rend parfois fou. Il rappelle une tête, ça doit être pour cela:
et puis, les ballons renvoyés de la tête abîment le cerveau des joueurs qui se prennent des chocs sérieux.
L'athlète Futterer, lui, "continue de se distinguer au Japon". Il a gagné le 10 mètres et 10 minutes 4 secondes. Voilà ce qui s'appelle se distinguer ! J'aurais fait mieux, sans entraîneur, que
ce Futterer. Sauf, notable exception, s'il avait fallu courir dans la neige. Pire que courir sur du sable sec qui s'éboule...
La neige, en effet, complique la vie mais amuse les petits et les plus grands enfants. En somme, toute chose a son revers et tous les maux ne viennent pas pour nuire. "Une opération césarienne étant nécessaire, un chasse-neige a été envoyé pour ouvrir un passage", relate La Montagne. Eh non, les enfants ne
naissent pas tous dans les choux ni dans les roses, mais également dans les congères (blizzard, vous avez dit blizzard ?). Enfant, j'ai vu avec l'école La Reine des Neiges moi aussi.
En fin de volume, les auteurs ont ajouté un compte rendu remontant à 1904 d'une chasse réussie au loup sur le territoire de la municipalité de Saint-Mesmin. Le rédacteur de ce procès-verbal, le
maire, est parvenu à truffer l'ensemble de son texte d'effets comiques aussi énormes qu'involontaires ! Et cela, rien qu'en construisant ses phrases de façon bancale. Il a entre autres écrit
qu'il a pris part à la battue, "assisté de son adjoint peut-être enragé", tout ça parce qu'il voulait expliquer que le loup était peut-être atteint de la rage... Mais il a glissé "peut-être
enragé" au mauvais endroit dans sa proposition, donnant l'impression que l'adjoint en personne souffrait de la rage. Et tout le reste du PV penche dans le même sens, rempli de précisions et de
subordonnées bizarrement placées qui sèment la confusion. A un moment, on lit que c'est le loup qui s'enfuit armé d'un fusil, et qu'il était question de se débarrasser de l'adjoint au maire en
même temps que du prédateur. Uniquement à cause de ces maladresses de construction qui se succèdent sous la plume du magistrat. Prodigieux, un chef-d'oeuvre de drôlerie accidentelle !
Egalement en fin de livre, l'équipe rédactionnelle donne à lire un PV de douaniers, disons, de fonctionnaires de l'octroi urbain au Maroc du temps du protectorat français. Là également, le style
du préposé au compte rendu vire au comique: l'homme explique de manière malhabile qu'il a vu passer des fraudeurs, de surcroît des braconniers qui emportaient avec eux un sanglier fraîchement tué
(sans doute illégalement). Le douanier raconte ensuite qu'il a repéré quelque chose de louche, mais qu'il n'a pas pu stopper les fraudeurs. Il s'est donné du mal, pourtant: il est sorti du bureau
en criant aux fugitifs de s'arrêter. En vain. "Et alors moi nous sommes restés tout seul en leur criant d'arrêter, qu'on leur ferait un
procès-verbal, parce que (mes collègues) étaient déjà rentrés dans le bureau et n'avaient pas poursuivi la poursuite". Pas de chance ! Voilà
ce qui se produit quand on ne poursuit pas une poursuite, les poursuivis prennent le large.