Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le pays de Souram
  • : Lectures ? Autant de moyens d'évasion! "Quand on a une info, on la sort" (adage journalistique) Cacher ce qu'on sait, c'est se révéler triste. Timeo hominem unius libri (Thomas d'Aquin) l'individu d'un seul livre m'effare. Seul devoir, chercher son bonheur (Kazantzakis)
  • Contact

Profil

  • souram
  • Lecture (fiction, non-fiction) voyages (y compris mini-voyages du week-end en Suisse) histoire, litt. récente ou non, mots rares & précieux, origines des mots/expressions/noms de lieux
  • Lecture (fiction, non-fiction) voyages (y compris mini-voyages du week-end en Suisse) histoire, litt. récente ou non, mots rares & précieux, origines des mots/expressions/noms de lieux

Recherche

24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 09:28

Dans un passage, une galerie marchande de Saint-Pétersbourg, dans les années 1860, un couple d'origine allemande expose un crocodile. Ce saurien est le premier crocodile à faire ainsi l'objet d'une exposition à Saint-Pétersbourg. Les passants paient pour l'admirer, ou, éventuellement, essaient de resquiller.

Un petit fonctionnaire, intéressé, s'approche du crocodile. Sa femme l'accompagne. Malheur, voilà l'homme avalé ! Le crocodile engloutit le badaud, mais, comme l'histoire folle du petit canard dans Pierre et le Loup de Serge Prokofiev, l'avale tout vivant. De sorte que la victime parvient encore à parler, du fond du grand estomac reptilien où le facétieux destin l'a soudainement placé.

Dans Le Crocodile, Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski raconte une sorte de fable, un récit ironique afin de se moquer de la cupidité. L'épouse de l'homme avalé se rend compte que tuer le crocodile - dans l'idée d'en extraire l'homme - reviendrait beaucoup trop cher. Les propriétaires allemands du crocodile, qui s'expriment avec des mots allemands mêlés de russe et écorchent les consonnes, refusent absolument de tuer leur poule aux oeufs d'or. Ou alors, ils exigent d'aberrantes compensations: indemnité financière, grade de colonel, une belle demeure, que sais-je encore ? Matériellement, il se révèle insensé, donc, de mettre à mort le crocodile. Quant à demander de l'aide à un fonctionnaire situé plus haut, dans la hiérarchie, que la victime, son supérieur, enfin, un nabab en vue dans la capitale impériale, là, il vaut mieux oublier. L'auguste notable n'a pas l'air de vouloir beaucoup se mouiller. Ne sachant très bien comment se sortir des entrailles de la bête, la victime propose de rédiger des rapports scientifiques, un reportage sur la vie quotidienne à l'intérieur d'un saurien. J'ai bien aimé cette brève fiction mordante.

On peut se pencher sur l'usage russe du crocodile aux 19e et 20e siècles, par ailleurs, histoire d'étendre un peu le sujet: lorsque Mikhaïl Serguéïévitch Gorbatchov ("Gorbie", qualifié de most charming par Margaret Thatcher) est arrivé au pouvoir (en 1985... cela semble remonter à une lointaine époque: nous n'utilisions pas l'Internet et tapions à la machine à écrire, pour celles et ceux qui ont "connu ça") le dissident Aleksandr Zinoviev - l'essayiste exilé des Hauteurs béantes, dissident sans aura particulière en Occident, au contraire d'Andréï Dimitriévitch Sakharov - avait raillé l'idée de "réforme", de perestroïka chère à Gorbatchov (Gorbatchev, en transcription courante en français) en affirmant que la perestroïka ("reconstruction" en russe) équivalait à... apprendre à voler à des crocodiles. En outre, un peu plus tôt dans le vingtième siècle, c'est un journal "satirique" Krokodil qui a entre autres annoncé l'élimination de Radek, Boukharine etc.

Partager cet article
Repost0

commentaires