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  • Lecture (fiction, non-fiction) voyages (y compris mini-voyages du week-end en Suisse) histoire, litt. récente ou non, mots rares & précieux, origines des mots/expressions/noms de lieux
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14 avril 2014 1 14 /04 /avril /2014 17:01

Nous sommes en 1864. En France règne Napoléon III, surnommé Badinguet par ses détracteurs. A bord du navire marchand Foederis Arca, l’équipage qui se sert en cachette dans les stocks d’alcool du navire s’agite, s’énerve au cours de la traversée de l’Atlantique. Le bateau doit rallier Veracruz au Mexique, soutenir des troupes françaises embarquées, elles, dans une expédition "du Mexique" restée célèbre.
Mais rien ne se passera comme prévu. Aviné, composé d’hommes portés sur la violence, désinhibés par leur consommation de spiritueux, l’équipage se mutine. Il jette à la mer le capitaine. Ce dernier remonte à bord. Il est jeté une nouvelle fois dans l'eau. Il se hisse encore sur le bateau, quoique blessé par des coups de couteau et épuisé. Qu’à cela ne tienne, le capitaine est une fois encore balancé à la flotte. L’insurrection a atteint cette sorte de point de non-retour où l’irréparable est commis lorsque les marins ne «peuvent» plus, de leur point de vue, reculer sans finir en prison.
Le capitaine ne parvient plus, cette fois, à regagner le navire. Il périt en mer. Il ne sera pas le seul à perdre la vie dans cette folle rébellion, parce que les mutins ont peur, par exemple, qu’un gamin, un mousse de onze ans, parle, une fois que tout le monde (où, on ne sait pas; quand, mystère; comment, c'est à voir...) aura repris contact avec la terre. Aussi les adultes décident-ils de se débarrasser du mousse. Rien ne les freine. Ils passent à l’acte en plein océan. Cette scène est décrite avec une effarante minutie par l’écrivain Henri Queffélec dans Le Voilier qui perdit la tête. L’élimination du mousse rappelle, dans la chronique d’autres «faits divers» tout aussi réels que la mutinerie de 1864, l’attitude de certains complices lors d’agressions violentes, de ceux (ou celles, même) qui regardent et laissent l’irrémédiable se perpétrer. C’est arrivé dans plus d’une affaire criminelle. La scène de la mise à mort du mousse semble dès lors fort vraisemblable.
L’insurrection, privée de moteur immédiat (sinon... de raison d’être) maintenant que les chefs liquidés ne peuvent plus commander ni répliquer, change alors de nature. Se mue en tromperie. Les marins vont saborder le (ou la) Foederis Arca*. But: faire croire à un naufrage. On fuira à bord de canots. Le moment vient alors de se coordonner. Ces illettrés vont apprendre la «leçon de naufrage», mémoriser la «version» française à raconter quand on les interrogera. Des variantes dans le récit attireraient les soupçons des enquêteurs, des autorités portuaires, de policiers… Savoir narrer devient encore plus important que savoir nager. Les instituteurs improvisés vérifient que leurs écoliers (à l’école des mutins) ont bien appris leur texte. A se croire au théâtre, en cette année 1864 où à terre, à Paris, ceux qui en ont les moyens vont au spectacle se divertir avec La Cagnotte d’Eugène Labiche. «Bonne chose, la carotte !» - «Oui, quand ça prend…» entend-on sur la scène.
Pour les criminels, il faut que ça prenne. Qu’on les croie. L’alternative se place moins entre une carotte et un bâton qu’entre la vie (chargée en soute d’un gros stock de remords, éventuellement) et la mort (la guillotine).

*alors, le ou la Foederis Arca ? Ah, c’est tellement plus simple en anglais, langue où le bateau est une femme ! Foederis Arca signifie l’Arche d’Alliance. Arca est du genre féminin. Mais un bateau est du genre masculin en français. N’empêche que… On dit la Marie-Céleste, la Sémillante, alors pourquoi pas la Foederis Arca ? Par analogie avec l’arche de Noé, «la» Foederis Arca me paraît pouvoir flotter.

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